« C'est dans cet apparat qu'elle [la reine Maab] galope de nuit en nuit à travers les cerveaux des amants qui alors rêvent d'amour, sur les lèvres des dames, qui rêvent de baisers aussitôt », William Shakespeare,
Roméo et Juliette.Je m'éveillai doucement ce matin, les paupières lourdes et les grimaces sur le visage, les plis de mon oreiller marquant ma joue rougie par un sommeil trop lourd. Je m'assieds dans mon lit tout en douceur, contemplant la lumière du soleil, jouant sur le petit étang en face de la baie vitrée de ma chambre : ça allait être une belle journée, quelque chose de magnifique pour débuter les vacances scolaires pour le mois de juillet. Et c'est dans cette optique que j'avais planifié ma journée, entre grasse matinée, re-lecture de mon roman favori et dessin de mes rêves.
Doucement toujours, je me tirais de mon lit, m'y assis sur le rebord, regardant le tapis moelleux dans lequel mes pieds s'enfouirent. Ma longue chevelure rousse me chatouillait les épaules et le front, tout comme une brise d'été nous chatouille alors que l'on bronze sur une plage en pleine période estivale.
_ Hay !! entendis-je du rez-de chaussé. Ton petit déjeuner est prêt !
_ J'arrive Maman ! répondis-je sur le même ton.
Alors, avec un courage dépassant l'entendement, je me levai et me tins stable sur mes deux pieds. Je testai mon équilibre deux secondes avant de replonger le nez sous ma couette, pour y récupérer trois objets indispensable : mon portable, dont je ne me sépare jamais, mon i-Pod nano et le livre que j'ai lu la veille au soir, que je sers contre moi avant de dormir, à défaut de serrer le bras de mon petit ami. Mais pour moi, ça revient au même, il faut que j'ai un objet contre moi pour m'endormir.
Je m'appelle Hay, je viens d'avoir dix huit ans. Je ne suis ni jolie, ni intelligente, encore moins douée pour la cuisine. Je ne me maquille pas, je ne fais pas les magasins, je suis très timide et je n'ai jamais eu de petit ami au sens strict du terme. J'ai déjà été amoureuse, plus d'une fois, un vrai cœur d'artichaut, de personnages plus ou moins réels, que ce soit mon voisin de table au collège, ou un personnage de roman. Mon plus gros défaut physique, ce sont mes cheveux orange flamboyants, mais je n'aime pas les cheveux courts, et encore moins les colorations, ce que j'aime le plus, ce sont mes pieds, la seule chose que je trouve acceptable en moi, et encore, j'ai dû chercher. Plus tard, j'ai envie d'être cascadeuse, ou quelque chose de ce genre là, car la seule chose pour laquelle je suis douée, c'est bien encore de grimper partout, et de jouer à Tarzan.
Mes parents estiment que je devrais écrire des romans, que je passe ma vie à lire des romans, à inventer plein de situations, et à faire des rêves, plus magnifiques les uns que les autres. Je crois que c'est cela, mon plus grand talent finalement : rêver.
_ Bonjour, dis-je en pénétrant dans la cuisine, devant mon père attablé avec son journal, ma mère lavant la vaisselle à grande eau.
_ Bonjour mon cœur, me répondit-elle. Tu as bien dormi ?
J'acquiesçai tout en allant me servir un bol de corn flakes, comme à son habitude, mon père ne me parlait pas, et restait concentré sur le cours de la bourse.
Je n'attablai donc, un peu ronchon, avant que ma mère ne se rapproche de moi, coudes sur la table et ne prenne la parole, couvrant ainsi une chanson des Black Eyed Peas à la radio.
_ Azo a appelé il y a une petite heure, il voulait savoir si tu passais la journée avec lui aujourd'hui. Il a essayé sur ton portable, ça a sonné dans le vide.
_ J'ai dû le mettre en silencieux, réfléchis-je à vois haute, ce n'est pas mon habitude pourtant. Je le rappellerais maman, ne t'inquiète pas pour ça. Kun n'a pas cherché à me joindre ?
_ Pas plus que Mya, je crois qu'ils sont comme toi, ils ont décidé de faire la grasse matinée …
_ Oui, sûrement, en déduis-je.
J'avalais rapidement le contenu de mon bol, manquant au passage de m'étouffer avec un céréale qui avait décidé de me gâcher la journée.
Mon bol englouti, je le déposai dans l'évier et filai dans ma chambre, afin de m'habiller et me laver, et écrire le compte rendu de ma nuit magique, comme à chaque fois. Mon père daigna fermer son journal avant de m'adresser la parole.
_ Hay, ne traîne pas en ville aujourd'hui, il va y avoir une manifestation, selon les dires du journal.
_ Azo habite à l'extérieur de la ville papa, et puis, j'ai qu'à prendre ma voiture, j'en aurais pas pour long en contournant !
Une fois vêtue et lavée, je me dirigeais vers mon lit, tirait de mon oreiller un cahier à couverture dure et verte, ainsi qu'un crayon de plume bleu. J'ouvris le carnet à la page de la veille, relis ma dernière phrase de la veille avant d'en poursuivre la rédaction.
Lundi 5 juillet 2010,
Alejandro avait du retard aujourd'hui. Quand je l'ai revu, il avait les cheveux ébouriffés par le vent, il haletait et dû reprendre son souffle à plusieurs reprises, à croire qu'il en oubliait nos rendez-vous quotidiens. Et quand je lui demandais ce qu'il se passait, il ne répondait que par des phrases sans lien avec a question, comme « j'aime bien tes chaussures Hay » ou « il y a trop de nuages aujourd'hui » … Peut-être ne suis-je-plus la bienvenue, je m'en étonne moi même. En quelle manière que ce soit, je serais expulsée de mes rêves ?
A chaque fois, j'écrivais un texte clair et relativement court, je n'avais pas le temps de relire des pages et des pages avant de m'endormir, le sommeil venait toujours trop vite. J'embrassai la couverture de mon carnet avant de le cacher de nouveau sous mon oreiller, et d'attraper mon sac à main pour sortir chez Azo, finalement, je lui ferais la surprise.